Brasserie de Beauport 1932


Photographie de l'ensemble des bâtiments désafectés de la Brasserie de Beauport publié dans le journal ''Le Soleil'' annonçant sa démolition prochaine vers 1932. (Fonds Michel Bédard 200/5.1/13 Ville de Beauport)

Publicité Brasserie de Beauport avant 1900



Affiche publicitaire représentant l'ensemble des bâtiments de la Brasserie de Beauport avant 1900. (Fonds Michel Bédard, 200/5.1/05 Ville de Beauport)

Distillerie J. Robitaille 1910



Vue de l'intérieur de la distillerie de Monsieur J. Robitaille, construite en 1910 près de la rivière Beauport. (Fonds Michel Bédard 200/5.3/02 Ville de Beauport )

Distillerie-Brasserie de Beauport (1-10)


Page 1 de 10

Durant plus d'un siècle, de 1792 à 1910, on a distillé, brassé, moulu,
transporté du mais, de l'orge et du houblon sur ce site et notre propos
sera de décrire et d'expliquer à quel moment et de quelle façon ces établissements
se sont opérés. Trois grandes périodes peuvent être discernées
dans l'histoire de ces industries:
10 La distillerie de 1792 à 1834
2° La brasserie de 1834 à 1864
30 Une seconde brasserie de 1895 à 1910
Il est à remarquer que la seconde brasserie s'est installée dans un
ancien moulin à farine (Brown) qui avait été incendié alors que la première brasserie
a succédé sur le lot 639, à la toute première distillerie.
Mentionnons en passant, qu'une autre distillerie existait un peu plus
au nord, sur la rivière Beauport appellée distillerie Henderson et qu'enfin
une distillerie de vinaigre lui succéda au début du siècle appellé "Euréka
distillery" ou distillerie Robitaille. Pour ne pas mêler les choses, nous
ne traiterons que des distilleries et brasseries établies sur les lots
639 et 622.
En 1792, trois honmes d'affaires, Thomas Ainslie, John et R. Stuart
Young achètent un terrain sur la rive droite de la rivière Beauport à l'endroit
où elle se jette dan"s le Saint-Laurent. Une quinzaine de maçons
sont engagés en 1793 et on érige plusieurs bâtiments.

Distillerie-Brasserie de Beauport (2-10)


Page 2 de 10

Une distillerie longue de 125 pieds à deux étages, en pierre, recouverte
d'une toiture d'ardoise, forme le coeur du complexe où l'on retrouve également
des maisons de drèches, des maisons pour loger les ouvriers, des fourneaux,
des étables, une glacière etc. Tout l'établissement est entouré
d'un mur de pierre dont les côtés mesurent environ 250 pieds (82.2 m.).
Deux entrées protégées par des piliers cylindriques. en pierre de calcaire
donnent accès aux divers bâtiments.
La distribution de ces diverses constructions, nous est donnée en
1792 par un plan de l'arpenteur Jeremiah Mc Carthy daté du 17 novembre.
À ce moment, seuls existent la distillerie une (vieille maison) et une grange.
Une entente est passée avec les propriétaires du gros moulin voisin,
(érigé sur le lot de cadastre 622) pour l'emploi de l'eau nécessaire à
la distillerie. Une saignée est pratiquée dans le barrage et du 20 mai
de chaque année au 1er novembre, un tuyau de 2" pouces amène l'eau à la
distillerie, et du 1er septembre au 20 mai c'est un tuyau d'un diamètre
de 5 pouces.
Ce gros moulin sera presqu'immmédiatement loué par la compagnie Young
pour broyer les grains nécessaires à la fabrication de whisky.

Distillerie-Brasserie de Beauport (3-10)


Page 3 de 10

En 1807, George Hériot nous laisse une aquarelle représentant les
divers bâtiments de la distillerie vus du côté du nord; les maisons de
drèche y sont alors représentées. Une seconde aquarelle du même auteur
datée du mois de mars 1812 et intitulée "Distillery at Beauport near Québec"
représente une partie de l'usine mais vue cette fois du côté sud avec au
premier plan le chemin de grève emprunté par deux charettes dont l'une
traverse la rivière de Beauport.
Lors de la vente par le shérif annoncée dans la gazette de Québec
du 12 avril 1810, nous avons une bonne description de l'état de la distillerie
de "Young & Co". En voici le texte même:
Ce lot de terre No 4 situé dans la paroisse de Beauport joignant le lot
du moulin No, 1, déjà décrit dans cette Gazette, bornée en front par la
Rivière Beauport et le bord du fleuve St-Laurent, par derrière et au nord
est par les terres du dit lot No 1 du quel il est séparé par un mur de
pierre érigé sur ce lot No 4, par le grand chemin de Roi et la terre de
Rocheleau et Parent et au Sud par les terres de Toupin ou ses représentants,
contenant environ sept acres avec tous les bâtiments dessus construits;
les dits bâtiments étant entourés d'un mur de pierre formant un quarré
d'environ deux cens cinquante pieds, et maintenant occupés comme une distillerie
de drèche, capable de consommer environ soixante quarts de grain
chaque brassée et de les manufacturer, comprenant la distillerie avec des
chaudières, alembis et serpentines, fourneaux à drêche et à fermenter,

Distillerie-Brasserie de Beauport (4-10)


Page 4 de 10

Chaudrons, un engin à fumée, le droit de prendre de l'eau au réservoir
voisin tel que mentionné déjà au lot No 1, avec tous les autres ustenciles
et dépendantes, une chaudière et un cylindre, une maison pour rectifier,
communiquant à la distillerie par des tuyaux pour l'eau et l'esprit, avec
un grand et un petit alembic, des serpentines et autres ustenciles et
dépendances; une grande maison à drêche ayant une cave; deux planchers
pour la drêche, deux autres planchers pour le grain de la longueur et de
la largeur du bâtiment, comnuniquant à la distillerie par des tuyaux conduisant
l'eau nécessaire, deux fourneaux à drêche avec des maisons pour la
sécher et toutes les dépendances; une autre maison à drêche ayant des planchers
à drêche et des planchers à grain, communiquant aussi avec la distillerie
par des tuyaux avec fourneau et maison à sécher et toutes les dépendances,
une maison pour les domestiques, hangard, boulangerie, boutiques
étables propres à nourrir plusieurs cens têtes de bétail, fourneau à charbon
et autres bâtiments et toutes les dépendances, avec l'usage d'un chemin
entre le chemin de Roi et les Rivières Beauport et St-Laurent du quai érigé
sur la première, et du canal, et sujet aux frais de l'entretien d' iceux
avec le propriétaire du lot No 1 tous les bâtiments sont de pierre et les
principaux couverts d'ardoise et séparés les uns des autres par de petits
espaces, les fourneaux sont de tuiles soutenues par du fer seul.
Si le lecteur trouve ce français pénible, il lui reste l'original
écrit en anglais dans le même journal.

Distillerie-Brasserie de Beauport (5-10)


Page 5 de 10

La Distillerie passe alors entre les mains de Samuel Baker le 21 juillet
1810 qui s'empresse de la revendre à John Racey, le 29 octobre de la même
année. S. Baker n'était en fait que le créancier de Young et habitait le
Norfolk au Royaume Uni.
Ce John Racey était né vers 1786, arrivé au Québec en 1802, marié en
1807 et s'était lancé en affaire en 1808. On le connait surtout comme brasseur,
propriétaire de la brasserie de Cap Diamant et de la brasserie de Peter
Brehant près de la Ville. Il décède à Québec vers 1856.
C'est John Racey père, car il aura un fil s du même nom, médecin qui
comme son père s'occupera de négoce, qui demeurera le principal propriétaire
de la distillerie mais il la transforme en brasserie vers 1821.
Les deux marchands Isaac R. Eckart et James White louèrent par bail
pour une période de cinq ans la distillerie utilisée comme brasserie, à partir
du 13 mars 1832. Il y a la une (maison à trois étages),(deux maisons de drèche)
avec fourneaux à malt, une brasserie, des étables, (une maison de bois), des
fours à cuisines et quatre maisons pour les serviteurs.
Ce bail se fera dans la contestation car en 1834, John Racey prétend
que Eckart n'a pas entretenu les bâtiments et qu'ils sont alors en mauvais
état. On voit de la glace dans les alembics, la bière est parfois gelée,
on est obligé de l'arroser avec de l'eau chaude, les barriques sont gelées,
la bière est épaisse et certains clients la retrouve moisie.

Distillerie-Brasserie de Beauport (6-10)


Page 6 de 10

Quant aux bâtiments, l'architecte Musgrove Blaicklock en dresse un
portrait peu flatteur: la maison de malt a ses deux cheminées et la bouilloire
dangereuse, la brique est fendue par une lézarde de quinze pieds, le
toit est dangereux, ainsi que les planchers, les cuisines sont en mauvaises
état, la toiture d'ardoise dans la partie arrière est trop plate, les poutres
de la maison de purification sont pourries, la galerie menant de la brasserie
à la maison de drèche est en mauvaise état, la cuisine de malt et la grande
de drêche communiquant à la brasserie est abimée. La brasserie est un gros
bâtiment de quatre étages en bon état mais mal construit; le grand poids
de la toiture le fait verser du côté de la rivière. Ces bâtisses tomberont
sous peu sous le poids de la neige.
En juillet 1839, John Racey vend la brasserie à John Gordon qui l'exploitera
jusqu'en 1843, forcé à cette date de déclarer faillite. John Racey
reprendra le tout mais tout porte à croire que les bâtiments sont plus ou
moins désaffectés. Un plan rudimentaire donne l'état des lieux. (plan de
1840)
En 1847, si lion se fie aux dires du fils du Dr. James Douglas, on
aurait utilisé une partie des édifices pour loger les malades du thyphus
dans une sorte d'hôpital privé destiné aux notables de Québec et aux capitaines
de navires affectés par l'épidémie. Rappelons qu'environ 100 000
émigrés Irlandais arrivèrent au Québec dans des conditions sanitaires déplorables
qui en firent mourir 12 000 d'entre eux.

Distillerie-Brasserie de Beauport (7-10)


Page 7 de 10

L'une des trouvailles des plus spectaculaire effectuée lors de notre
recherche, et dont nous sommes très fier, est une série de dix huit plans
produits lors d'un procès entre William Brown, propriétaire du gros moulin
bâti sur le lot 622 et le seigneur Augustus Conrad Gugy, son voisin de l'autre
côté de la rivière Beauport sur le lot 531.
Ces dix huit plans d'arpenteur, nous donnent l'emplacement précis d'une
grande partie des bâtiments de la brasserie en plus de montrer le gros moulin,
les hangars et la maison de (Adolphe Grenier), bâti sur le lot 624.
Nous avons superposé quelques uns de ces plans pour produire la compilation
présentée en annexe 1. L'échelle originale a été conservée à 40 pieds
au pouce. L'ensemble est reporté sur le plan de base à l'échelle du 1:1000e.
Ces deux plans portent respectivement pour titre "terrains du moulin de
Beauport et de la distillerie Lots 622 et 639" et "site archéologique CfEt-5,
moulin, distillerie et brasserie de Beauport".
Les différents bâtiments de la brasserie demeurent en place jusqu'en
1863, alors que la veuve de John Racey fait démolir le gros bâtiment principal
qui avait été érigé en 1792.
Un plan de 1864 montre que les bâtiments de la brasserie sont à l'état
d'abandon et deux autres plans dates de 1887 et 1889 indiquent carrément
des ruines.

Distillerie-Brasserie de Beauport (8-10)


Page 8 de 10

C'est en 1895 que la succession de John Racey vendra une grande partie
du lot 639 sur lequel était la brasserie à la Cie de brasserie de Beauport
installée dans le gros moulin Brown sur le lot 622 adjacent au lot de John
Racey.
L'histoire des deux propriétés alors se confondent.
La Cie de brasserie de Beauport restaure le moulin Brown et après
l'avoir agrandi, opère une brasserie jusqu'en 1915.
De cette période nous reste un dessin fort connu sous forme d'affiche
qui a été publié dans tous les ouvrages traitant de l'histoire de Beauport.
Soulignons que le 5 octobre 1899, la Cie de brasserie de Beauport,
passera une entente avec la Cie du chemin de fer Québec Railway Lignt &
Power Co. La brasserie vend une lisière de terrain pour le chemin de fer
pour un dollar et en contre partie, la Cie Québec Power construit, une voie
de service jusqu'aux bâtiments de la brasserie; on voit cette voie d'évitement
sur la gravure de 1900.
En juillet 1897, l'on assiste à un procès entre la Cie ''the National
Leather Bound Co'' et la Cie de brasserie de Beauport, ce dont il est question
c'est la pollution de la rivière Beauport. En quelques mots, voici ce dont
il s'agit:

Distillerie-Brasserie de Beauport (9-10)


9 de 10

Selon un bail du 5 septembre 1897, Hardy & Dubord de Beauport, représentés
par C.E. Dubord avait loué pour un an, à partir du 1er mars à George
N, Elliot, Jos Elzear Robitaille et Chs. Henry Hallaway associés en Cie sous
le nom de "The National Leather Bound Co'' deux maisons et un moulin connu
sous le nom de moulin à l'huile sur le chemin de l'Enceinte de Beauport avec
pouvoir d'eau et machinerie.
La Cie de brasserie de Beauport prétend alors qu'au delà de 50 ans,
elle est propriétaire du lot 622, que cet immeuble est traversé par la rivière
Beauport et de temps immémorial c'est dans cette rivière que les propriétaires
du lot 622 et toute la population de la localité ont pris l'eau pour la consommation
et les besoins domestiques.
Elle soutient également que vu les qualités spéciales de l'eau, elle
a exploité depuis 1895, une brasserie qui lui a coûté au delà de $ 100 000
et dont les produits ont acquis une grande popularité.
Vu que la Cie ''National Leather Bond'' au cours de l'hiver dernier a
installé sur le lot 612 et exploité depuis la fin d'avril, une manufacture
de carton-cuir, c'est-à-dire, un cuir artificiel produit avec des déchets
de cuir et de cordages, des guénilles, de la pulpe et autres matières réduites
en bouillie, et vu que ces déchets sont envoyés dans la rivière, dont les
eaux deviennent polluées et que la manufacture est établie sans autorisation
de la municipalité, la Cie de brasserie de Beauport poursuit la National
Leather Bond pour un montant de 5000 $.

Distillerie-Brasserie de Beauport (10-10)


Page 10 de 10

Les filtres de la brasserie ne fournissent pas à purifier l'eau et
les clients se plaignent de la qualité de la bière. Est-ce là l'un des tout
premier procès de pollution?
Les recherches sur la brasseie de Beauport n'étant pas complétées,
nous ne savons pas si en 1896, George Silberg, en 1890, Micke Dohl, et enfin
Alfred Graf de 1900 à 1905 brassent une recette belge ou bavaroise.
Cependant, nous en connaissons assez pour entreprendre dès maintenant
une série de sondages pour déterminer le potentiel archéologique du site
de la distillerie lot 639 et celui de la brasserie lot 622.
Au cours de la surveillance exercée en 1985 lors de l'implantation
de conduites de gaz naturel au travers du lot 639, on a mis au jour d'importants
fragments de murs de pierre qui nous ont paru en excellent état. Il
faut croire que la mise en valeur de ce site, propriété en grande partie
du ministère des Transports reste une solution envisageable à long terme.
Pour le moment, une importante couche de débris récente, nous révèlera
sans doute, une quantité considérable de vestiges archéologiques de ce qui
a été l'une des toute première distillerie au Québec. / FIN